Article du magazine Tout Chien – décembre 2023
Une association baptisée « Les Chiens de justice » repose sur la conviction des bienfaits que la médiation animale peut apporter aux victimes de toute forme de violences, afin de les aider à affronter le processus judiciaire. Une aide précieuse à l’heure où l’on parle de plus en plus de violences intrafamiliales, de violences sexuelles et de harcèlement scolaire.
L’objectif principal de l’association « Les Chiens de justice », constituée en juillet 2023, est d’humaniser la justice par le biais de la promotion et du développement de binômes chiens médiateurs/avocats (et à terme, gendarmes, policiers et magistrats) pour soutenir émotionnellement les victimes dès les premiers rendez-vous avec leur avocat.
» Les justiciables les plus vulnérables sont notamment les enfants et les femmes victimes de violences intrafamiliales, de violences sexuelles et de harcèlement scolaire. »
Avant tout des chiens de familles
Les chiens médiateurs, spécialement éduqués pour ce travail, restent avant tout des chiens de famille qui partagent la vie quotidienne de leur maître et maîtresse : toutes les races de chiens sont donc éligibles, ainsi bien entendu que les croisés et les chiens abandonnés en refuges.
Les bénéficiaires « cibles » sont les justiciables les plus vulnérables et notamment les enfants et femmes victimes de violences intrafamiliales, de violences sexuelles et de harcèlement scolaire.
Il s’agit de venir en appui aux Chiens d’Assistance Judiciaire (CAJ), qui doivent être déployés sur tout le territoire national, à raison d’un CAJ par département d’ici à deux ans, dans le cadre d’une convention signée en février 2023 entre le Ministre de la Justice, la SPA (Société protectrice des animaux) et l’association Handi’chiens, selon le modèle américain qui consiste à sélectionner et former, pendant 2 ans, en famille d’accueil, exclusivement des chiens de race Labrador et Golden Retriever attachés à une juridiction et remis à un ou plusieurs référents.
Vu le nombre de victimes recensées en France chaque année, ce programme est notoirement insuffisant : 160 000 enfants victimes de violences sexuelles; 94000 femmes victimes de viols ou de tentatives de viols; 208 000 faits de violences conjugales signalées en 2021…
» La présence rassurante d’un chien apaise les victimes, les aide à reprendre confiances en elles, à se concentrer et à libérer leur parole. Ici Papy, un terrier de Boston âgé de 4 ans. »
Faire émerger une méthode à la Française
L’Association » Les chiens de justice « souhaite voir émerger une méthode » à la Française « , qui permet un accompagnement sur mesure de chaque victime durant toutes les phases du procès et s’attache à préserver le bien-être du chien médiateur, véritable » éponge émotionnelle « .
En effet, la présence rassurante du chien apaise les victimes, les aide à reprendre confiance en elles, à se concentrer et à libérer leur parole. Selon une étude américaine, 80 % des victimes soutenues par un chien ont réussi à verbaliser une expérience traumatisante, chiffre qui tombe à moins de 35 % en l’absence de chien. Le chien médiateur fait systématiquement équipe avec son humain qui demeure, en toutes circonstances, celui qui lui donne les consignes, le guide, choisit les activités auxquelles il va participer et le contenu des séances de médiation, et au besoin décide de stopper une interaction ou de mettre un terme à la séance.
L’avocat intervenant en médiation animale étant soumis au secret professionnel et habilité par la loi à être présent, aucune nullité de procédure n’est encourue et sa connaissance du monde de la Justice constitue un atout pour assurer la qualité des échanges et tranquilliser les bénéficiaires. Pour les mêmes raisons, l’intervention d’un binôme avocat/chien médiateur est bien sûr envisageable dans le cadre des recours aux modes amiables de règlement des différends (MARD) ou encore, des mesures de justice restaurative afin de limiter toute récidive.
Actuellement, j’interviens avec mon chien » Papy « un terrier de Boston de 4 ans, en cabinets d’avocats principalement à Paris en soutien aux clients de mes confrères. Je suis également adhérente de l’Association CLIA (Association Internationale des Auditeurs d’Enfants) fondée par des avocats experts dans la défense des mineurs, avec laquelle un partenariat va être mis en place. Je suis intimement convaincue que les chiens de justice seront des auxiliaires incontournables pour que les victimes puissent retrouver une parole apaisée face à leur bourreau.
DES CHIFFRES ALARMANTS
En France, durant l’année 2021, ce sont 208 000 victimes de violences au sein du couple qui ont été recensées, ainsi que 50 000 enfants victimes de violences intrafamiliales.
Selon la CIIVISE (Commission Indépendante sur l’Inceste et les Violences Sexuelles faites aux Enfants), en réalité 160 000 enfants seraient tous les ans victimes des violences sexuelles, qui se produisent le plus souvent dans la sphère familiale.
Toujours en 2021, 17 millions de chats et de chien étaient identifiés auprès du fichier national ICAD (Identification des Carnivores Domestiques), un foyer sur deux accueillant un animal domestique. Les atteintes envers les animaux domestiques ont augmenté de 30% entre 2016 et 2021 (la part des chiens victimes est de 46%) et sont attribuées aux hommes à hauteur de 73%.
Différentes études menées dans de nombreux pays (Canada, Royaume-Uni, États-Unis, Pays-Bas…) ont mis en évidence que 90% des femmes victimes de violences domestiques affirment que les menaces, abus et mauvais traitements infligés à l’animal de la famille sont utilisés par leur compagnon comme moyens de pression et de domination sur elles-mêmes et/ou leurs enfants.
Et des travaux opérés au Royaume-Uni ont permis de constater d’une part que 88% des enfants maltraités avaient assisté à des violences sur les animaux et d’autre part, que ces enfants faisaient preuve, en moyenne, de 1,5 fois plus de comportements violents envers les animaux et envers les humains.